Quelle réglementation pour le télétravail en République du Congo ?
Depuis la survenance de la pandémie du Covid 19, dont la prévention et la lutte passent par des mesures de distanciation sociale, et l’annonce par le Président de la république du plan de riposte contre le Covid‑19 présenté sous forme de mesures telles que le confinement de la population sur toute l’étendue du territoire, certaines entreprises appartenant à des groupes internationaux comme Total EP Congo, Eni Congo, Wing Wah et certaines entreprises locales équipées se sont mises au télétravail afin de protéger au mieux la santé de leurs salariés tout en assurant la continuité des missions de l’entreprise.
Le recours inédit en République du Congo à ce nouveau mode de travail pose de nombreuses questions : Qu’est‑ce que le télétravail comment fonctionne‑t-il comment est‑il encadré d’un point de vue légal ?
Autant d’interrogations auxquelles nous nous proposons de répondre.
A. Absence de cadre juridique du télétravail en République
Le télétravail est défini comme toute forme d’organisation du travail, dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur, est effectué par un salarié hors de ces locaux, de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication.
Concrètement le travail se fera à travers des solutions techniques de travail à distance du type zoom, Microsoft teams, Slack, Hangout ou tout simplement par mail et téléphone.
En l’absence de législation spécifique en droit congolais, les entreprises congolaises qui y ont eu recours l’ont fait sur la base d’accords internes entre les employeurs et les salariés. Les plus aboutis d’entre eux inspirés de la loi française prévoient : d’une part les conditions justifiant le passage en télétravail, notamment la lutte contre la pandémie du Covid 19 et d’autre part, les conditions de mise en œuvre du télétravail, allant dans certains cas jusqu’à déterminer les plages horaires durant lesquelles l’employeur peut contacter le salarié en télétravail.
Le télétravail permet autant que faire se peut, aux nombreux confinés, dont le travail n’a pas été jugé essentiel par le décret de continuer, lorsque c’est possible, leur activité depuis leur domicile. La solution pour empirique qu’elle soit, contribuera à n’en point douter, à limiter l’impact du ralentissement de l’activité économique liée au confinement.
En effet, elle devrait permettre à plusieurs entreprises d’atténuer l’impact négatif de la situation de confinement tout en permettant au salarié de poursuivre son obligation contractuelle garantissant ainsi la protection de son outil de travail.
Malgré tout, bien qu’encourageantes ces initiatives novatrices n’offrent pas suffisamment de garanties aux parties du fait de l’inexistence de cadre légal et donc du risque judiciaire consécutif en cas de contentieux.
Il nous paraît indispensable et opportun pour le gouvernement de profiter de l’état d’urgence sanitaire pour légiférer sur la question du télétravail et offrir à tous ceux qui souhaitent, aujourd’hui ou demain la possibilité d’y recourir en tant que mode alternatif d’exécution du contrat de travail de disposer d’un cadre juridique sécurisé.
B. La mise en place d’une législation sur le télétravail
Dans le cadre de l’état d’urgence le gouvernement est autorisé à légiférer par voie d’ordonnance. Ce dispositif constitutionnel particulier a pour objet de permettre au gouvernement de mettre en place au fi l des urgences une législation adaptée en empruntant un circuit abrégé.
Dans le cas qui nous concerne, il ne s’agit pas une fois de plus de réinventer la roue. Il s’agit d’adapter en tenant compte de notre réalité, des dispositifs légaux qui ont fait la preuve de leur efficacité ailleurs. Les conventions n°177 et 184 de l’organisation internationale du travail sur le travail à domicile fixe à l’attention des états parties un cadre législatif indicatif.
L’Article 3 de ladite convention dispose que “tout Membre qui ratifie la présente convention doit adopter, mettre en œuvre et revoir périodiquement une politique nationale sur le travail à domicile visant à améliorer la situation des travailleurs à domicile, en consultation avec les organisations les plus représentatives des employeurs et des travailleurs (...)”.
C’est dans ce cadre que s’inscrivent les Lois du 5 septembre 2018 complétant le code du travail en France et du 24 décembre 1996 sur le travail à domicile en Belgique. L’article 1222‑9 de la section 4 du chapitre 2 du titre 2 du code du Travail français intitulé “Formation et exécution du contrat de travail” nous permet de délimiter le régime juridique du télétravail en droit français et d’envisager sa transposition en droit congolais.
1. Définitions du télétravail et du télétravailleur : Le télétravail est défini comme toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication. Est ainsi qualifié de télétravailleur tout salarié de l’entreprise qui effectue, soit dès l’embauche, soit ultérieurement, du télétravail (...)”.
2. Les conditions de mise en œuvre du télétravail : “Le télétravail est mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique, s’il existe. En l’absence d’accord collectif ou de charte, lorsque le salarié et l’employeur conviennent de recourir au télétravail, ils formalisent leur accord par tout moyen”.
3. Le contenu impératif de l’accord sur le télétravail : Le texte précise que l’accord collectif ou à défaut, la charte élaborée par l’employeur précise certaines conditions impératives :
• Les conditions de passage en télétravail, et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ;
• Les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail ;
• Les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;
• La détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail ;
• Les modalités d’accès des travailleurs handicapés au télétravail.
4. La détermination des droits du télétravailleur : Le texte précise que télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise.
L’employeur qui refuse d’accorder le bénéfice du télétravail à un salarié qui occupe un poste éligible à un mode d’organisation en télétravail dans les conditions prévues par accord collectif ou, par la charte, doit motiver sa réponse. En outre l’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail.
En droit congolais le dispositif serait logé dans le Code du travail au Titre 4 relatifs aux “conditions de travail ”auquel on pourrait ajouter un chapitre 1 bis intitulé “Du télétravail”.
Et, pout tenir compte des réalités congolaises, l’employeur doit également garantir le niveau de connectivité du salarié à son logement et les conditions techniques (Débit de l’internet) nécessaires et suffisantes pour pouvoir rester connecté avec le réseau de l’entreprise.
Le télétravail étant une réponse à la réduction de la mobilité, la mise en place d’un cadre juridique idoine pourrait conduire plus d’entreprise à y recourir. Voilà un texte que le gouvernement pourrait mettre en œuvre rapidement.