L’arrêt de l'exécution provisoire par la Cour d'appel

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L'exécution provisoire est une décision accessoire prononcée par la juridiction ayant statué en première instance, autorisant la partie qui a obtenu gain de cause à poursuivre l'exécution du jugement rendu contre son adversaire dès sa signification, en dépit  du délai d’appel et de l’appel interjeté, qui normalement, en application de l’article 85 du CPCCAF, suspendent l’exécution.

L’exécution provisoire a donc pour effet de neutraliser l’effet suspensif de l’appel. La décision est alors dite exécutoire par provision.

Traditionnellement on distingue l’exécution provisoire légale ou de plein droit, de l’exécution provisoire judiciaire ou ordonnée.

Elle est légale ou de plein droit lorsqu’elle est prescrite d’office par la loi sans que le juge n’ait besoin de la prononcer. L’exécution provisoire est judiciaire lorsqu’elle est ordonnée par le juge.

L’exécution provisoire judiciaire est encadrée par  l’article 58 du CPCCAF qui en fixe le champ d’application.

Il s’agit d’une faculté du juge faculté. Elle est ordonnée par le juge à la demande des parties lorsqu’il la juge nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire.

Pour être justifiée et valablement ordonnée, l’exécution provisoire doit entrer dans l’un des trois cas limitativement prévus par l’article 58 du CPCCAF.

III.- L’arrêt de l’exécution provisoire

III.1.‑La procédure de demande d’arrêt de l’exécution provisoire

L’article 86 du CPCCAF dispose que «l’appelant peut, par requête spéciale, présenter des défenses à exécution provisoire. La juridiction d’appel statue immédiatement sur cette requête ».

Ce texte précise la procédure en matière d’arrêt de l’exécution provisoire. Il subordonne l’introduction d’une telle demande à la qualité d’appelant, de sorte que la procédure est irrecevable si, le demandeur ne justifie pas préalablement de la qualité d’appelant qui sera attesté par la production d’un certificat d’appel.

La demande se fait par voie requête spéciale adressée à la Cour d’appel statuant comme en matière de référé.

L’arrêt de l’exécution provisoire suppose que l'effet suspensif de l'effet de l'appel geler par l’exécution provisoire, soit restauré de sorte que l'exécution forcée ne puisse plus être possible.

 

«La juridiction d’appel statue immédiatement ». Ce texte signifie que la procédure d’arrêt de l’exécution provisoire n’est pas une procédure contradictoire avec mise en état.

La requête spéciale a pour seul objet de démontrer au juge d’appel que les conditions de l’exécution provisoire ne sont pas réunies ou bien qu’elle serait susceptible de causer des dommages irréparables.

Et, à notre avis, il n’y a pas de débats contradictoires, le juge doit statuer sur la seule présentation de la requête.

 

L’ordonnance du premier président de la cour d’appel qui statue en référé, en vertu des pouvoirs propres que lui confèrent les articles 207 à 213 du CPCCAF, sur une demande tendant à voir ordonner ou arrêter l’exécution provisoire du jugement frappé d’appel, met fin à l’instance spéciale introduite devant ce magistrat, de sorte que sa décision est susceptible d’un pourvoi immédiat.

III.2- Les motifs pouvant justifier l’arrêt de l’exécution provisoire

Deux types de motifs peuvent être invoqués à l’appui de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire.

Les premiers procéderait de ce que l’exécution provisoire, serait le ordonnée par le juge hors des conditions prévues par la loi à l’article 58.

 

Les seconds non prévus par la loi ont été déterminés progressivement par la jurisprudence, par analogie aux critères requis pour le sursis à exécution devant la cour suprême par l’article 108 du CPCCAF qui retient «le préjudice irréparable » pouvant résulter de la poursuite de l’exécution comme critère d’arrêt de l’exécution provisoire.

Ce critère est comparable à celui de «conséquences manifestement excessives» retenu par la législation française.

En ce qui concerne l'appréciation du caractère « irréparables » du préjudice des conséquences, celle‑ci doit se faire "au regard des facultés de paiement du débiteur ou des facultés de remboursement du créancier» ou en d'autres termes "au regard de la situation du débiteur de l'obligation exécutoire par provision, compte tenu de ses facultés et des facultés de remboursement de la partie adverse».

En revanche, il n’entre pas dans les pouvoirs du premier président d’apprécier la régularité ou le bien‑fondé de la décision entreprise

L’appréciation du « caractère irréparable du préjudice »pouvant résulter de l’exécution relève du pouvoir souverain du premier président. Toutefois, le pouvoir souverain, à la différence du pouvoir discrétionnaire, ne dispense pas le juge de motiver sa décision.

III.2.- Champ d’application de l’arrêt de l’exécution provisoire

Quelles sont les décisions susceptibles de faire l’objet d’un arrêt de l’exécution ?

Les jugements relevant de l’exécution provisoire judiciaire en vertu de l’article 58 du CPCCAF ne posent de problèmes particuliers. Elles font l’objet d’un contrôle de la Cour d’appel sur les conditions d’allocation de l’exécution provisoire.

Ce texte précise en effet que, « L'exécution provisoire du jugement est ordonnée sans caution :
1ø pour la partie non contestée de la demande ;
2ø pour les condamnations présentant un caractère alimentaire ;
3ø s'il y a titre authentique ou autorité de la chose jugée».

Ici le contrôle de la Cour se limite à vérifier que les conditions prescrites à l’article 58 précité sont remplies.

Les difficultés surgissent lorsqu’il s’agit de l’exécution provisoire légale. En droit congolais, une opinion largement répandue incline à retenir que les ordonnances de référé et les ordonnances rendues par le juge de l’exécution bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit et qu’à ce titre, elles sont insusceptibles d’être arrêté par la Cour d’appel.

Il s’agit d’une  véritable méprise.

En effet l’article 214 du CPCCAF dispose que «Les ordonnances de référé sont exécutoires par provision sans caution à moins que le président n’ait ordonné qu’il en sera autrement».

On a pu penser que le pouvoir du juge des référés se limitait à assortir l’exécution provisoire d’une caution ou non. Mais il s’agit d’une mauvaise lecture alimentée par l’analogie par rapport au juge des référés du   droit français.

Rien dans ce texte n’interdit au juge des référés de décider que sa décision ne sera pas assortie de l’exécution pour provisoire pour telle ou telle autre raison, comme il peut parfaitement en subordonner le bénéfice à la constitution d’une caution.

Autrement dit, si le principe prévoit que les ordonnance de référé en droit congolais sont assorties de l’exécution provisoire, la loi prévoit la faculté pour le juge d’y déroger en décidant qu’il en sera autrement, soit en l’excluant purement et simplement, soit en l’assortissant d’une caution.

Ce raisonnement est conforté par la proximité textuelle avec les ordonnances rendues par le juge de l’exécution de l’article 49 de l’AUPRSVE qui dispose que «la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui.

Sa décision est susceptible d’appel dans un délai de quinze jours à compter de son prononcé.

Le délai d’appel comme l’exercice de cette voie de recours n’ont pas un caractère suspensif, sauf décision contraire spécialement motivée du président de la juridiction compétente ».

Que sur la base de ce texte la CCJA a dans un arrêt du 7 juin 2012 posé le principe que les ordonnances du juge de l’exécution sont susceptible de faire l’objet d’une procédure de défense à exécution.

Dans cette espèce, la Société AXA‑CI demanderesse au pourvoi soutenait sur le fondement de l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, que ce texte en disposant en son alinéa 3, que « le délai d’appel comme l’exercice de cette voie de recours n’ont pas un caractère suspensif, sauf décision contraire spécialement motivée du Président de la juridiction compétente », a enlevé à tout juge dont le Premier Président de la Cour d’appel, la possibilité de suspendre l’exécution provisoire de l’ordonnance du juge statuant dans le cadre du contentieux de l’exécution et qu’en conséquence, le Premier Président de la Cour d’appel d’Abidjan statuant dans cette cause avait violé ledit texte.

La CCJA a rejeté le pourvoi en rappelant que «en posant le principe du caractère non suspensif du délai d’appel et de l’exercice de ce recours, sous réserve d’une décision contraire du juge de l’exécution, l’article 49 alinéa 3 de l’AUPSRVE n’interdit en rien l’exercice d’une procédure de défense à exécution prévue par la loi nationale »; CCJA 7 juin 2012, AXA Assurances CI c/ ARTIS,  Ohadata J‑14‑139.

Qu’il s’ensuit que, le maintien ou non de l’exécution provisoire des ordonnances du juge des référés ou du juge de l’exécution est subordonné à l’appréciation de la Cour d’appel, juge des mesures conservatoires ou de l’urgence en appel en vertu du principe de l’effet dévolutif de l’appel.

Par l'effet dévolutif la Cour a l'entière et totale connaissance du litige (dans la limite de l'emprise de l'appel) et doit statuer en droit et en fait avec les mêmes pouvoirs que le premier juge (Cass civ 2ème 24 septembre 1997 n°95‑13386).

Il s’ensuit que saisie d’une requête spéciale par un appelant, lia Cour d’appel statuant comme en matière de référé peut parfaitement, par une décision motivée,  rétablir l’effet suspensif de l’appel en arrêtant l’exécution provisoire dont serait revêtu les ordonnances du juge des référés ou du juge de l’exécution.

EN CONCLUSION

On peut retenir à l’issue de cette analyse qu’à la différence du Juge français, le juge congolais dispose d’une plus grande marge de manoeuvre face à l’exécution  provisoire  dont bénéficient certaines décisions puisque ces décisions rendues par le premier juge peuvent toujours, sans aucune restriction,  faire l’objet d’un arrêt de l’exécution provisoire.

Cette nuance est heureuse car elle permet au juge d’appel de conserver son pouvoir de contrôle sur les décisions rendues en première instance et de jouer son rôle régulateur en évitant que ces décisions par leurs conséquences irréversibles ne rendent l’instance en appel sans véritable objet.

Et, actuellement, la multiplication des saisies intempestives aux conséquences financières catastrophiques en raison de l’impossibilité des créanciers saisissants de restituer les sommes saisies en cas de réformation de la décision autorisant la saisie, rend urgente ce recadrage jurisprudentiel.

C’est une question de bonne administration de la justice.

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